"Bats, ton coeur!" (http://ici-est-la.blogspot.com)

    2011, 2012

    L'exil. Repartir de zéro, c'est quoi? Un reportage au quotidien.

    « Bats, ton cœur ! »

    "Vous étiez devenu un œil, un œil nu, prolongé d’une main qui tenait un crayon . Après tant d’outils glorieux, enfin le plus simple : c’était ça ou rien .

    Sous le bras, racines fraîchement dépotées, et des pieds, c’est quand même plus pratique pour pédaler – ça donnait à peu près la figure 1.

    Une difformité, qui n’a pas la sienne ? Pour les racines en tout cas vous n’êtes pas tout seul : que de dépotés se rincent sous votre œil ! Que d’idiomes ! De visages ! Vertige d’astéroïdes, le meilleur de l’exil .

    Tanguant sur les jours, vous cahotez sur les pavés, comme les autres, apprenant à décoller légèrement de la selle aux passages les plus rudes . Vous êtes un journal de bord accroché au guidon, un itinérant de la mine de plomb .

    Ailleurs, même le vieux est tout neuf. Pourquoi partir, sinon ? Votre ethnie n’était pas en guerre, mangeait à sa faim, pas de quoi se la jouer tragique, même si derrière vous ce n’étaient que cendres et décombres . S'il s’agit bien de construire, du léger, du qui s’enroule, se plie dans la besace, du qui suit le vent .

    Nouveau tout, faussement familier – l’urbain est affable, les illusions trompent l’œil . Vous prenez un temps fou à piger que l’étranger, c’est vous . Carrefour, où tout se croise sans se mêler. Au mieux, vous êtes invisible – d’où vous venez, on jetait des pierres pour bien moins .

    Cherchant le Nord, quand soudain une phrase lancée au passage vous fait flamber de rire : l’art local tout pur ! Vous voilà comblée pour la journée . Vous apprenez en usant le crayon, dépoté épaté. Vous croyiez être au centre de l’Europe, c’est le centre d’un monde – la radio d’ailleurs en parle tous les jours . Et si, souvent, « la couverture nuageuse reste assez compacte », vous n’en êtes que plus découvert, désarmée, réveillée – suivant Nicolas Bouvier, vous en êtes certaine, « la vie n’étant que tremblements, de terreur ou de plaisir, ce qui ne tremble pas ne (vous) intéresse pas le moins du monde ».

    De ce genre de strapontin, ce ne sont pas les façades dorées ni celles toutes de verre qui vous appellent. Le crayon comme l’œil s’aiguisent, vous rapprochant de ce qui fait vraiment sentir que le cœur bat . Et parfois le soir, laissant couler le vélo sur les vagues des rues, des places royales ou non, tirant un trait flou sur les photos des touristes, les terrasses bruissantes, vous vous sentez presque à nouveau sur la mer ."

     

     

     

    Dessin: Une centaine de A4 marouflés sur tissu, reliés en 3 cahiers. 
    Peinture à l'oeuf: 3 rouleaux de 10m x 1m en papier brun. 1- L'Architecture, 2- Humains, 3- Le Pavé. 
    Soit 3 chemins  accrochés au plafond, à regarder miroir à la main: chacun crée sa route. 
    La ville change comme ses habitants: certains lieux ont disparu, des gens aussi - Raphaël, le vieux musicien, je ne l'ai plus vu la dernière année

    L'ensemble du reportage sur ce lien: http://ici-est-la.blogspot.com